mardi 24 juillet 2012

La viande mauvaise pour nos intestins ?

Depuis la deuxième moitié du XXème siècle nos intestins semblent moins bien se porter. Plusieurs maladies jusqu’alors rares ont vu leur fréquence augmenter ce qui n’a pas manqué de questionner médecins et chercheurs. Parmi les facteurs suspectés d’avoir joué un rôle, l’alimentation qui a beaucoup évoluée en peu de temps, influe de manière décisive sur notre état de santé. Nos habitudes de consommation de viande se révèlent délétères pour nos intestins.
 
Pourquoi la viande ?
 
La viande fait partie des aliments qui étaient pendant longtemps couteux à l’achat ce qui rendait leur consommation plutôt hebdomadaire que bi-quotidienne comme c’est le cas actuellement. Manger de la viande une à deux fois par semaine était un bon rythme. Aujourd’hui, manger de la viande deux fois par jour, au sein d’un plat “idéalement” composé de légumes et de féculents est une règle retrouvée sur pratiquement tous les menus des restaurants français. Les plats végétariens ou proposant des sources de protéines végétales étant encore très minoritaires.

L’industrialisation de l’alimentation a permis l’accès aux viandes pour “tous” à un prix plus abordable et d’une consommation occasionnelle de viande, nous sommes passés à une consommation pluri-quotidienne le plus souvent. La rapidité du changement semble pourtant ne pas s’être faite sans conséquences sur notre santé.
 
Les maladies intestinales parmi lesquelles ont peut citer les cancers digestifs, les maladies inflammatoires intestinales (maladie de Crohn par exemple), la diverticulose colique etc. ont connu une véritable croissance au cours du siècle passé. Le déclenchement de ces maladies ne se fait pas sur un seul facteur, mais sur plusieurs. En revanche, la plupart des facteurs qui favorisent ces maladies sont alimentaires, donc modifiables. Parmi les facteurs les plus faciles à corriger, se trouve la consommation de viande.
 
Quelle viande pour quelles maladies ?
 
La viande qui pose le plus problème à notre corps est la viande rouge. Dans toutes les études, elle se retrouve incriminée en augmentant le risque de toutes les maladies digestives.
 
  • Le cancer du colon
Concernant le cancer du colon (voir la petite photo au tout début de l’article), la viande de bœuf, de porc et d’agneau à raison d’une fois par jour augmente le risque de développer un cancer de 2,49 (le chiffre 1 témoignant de l’absence d’augmentation du risque- RR=2,49 avec IC à 95% 1.13-3.15 – p=0,01) selon une étude faite sur 88 751 femmes entre 39 et 59 ans par rapport aux femmes consommant ces viandes moins d’une fois par mois (1). Les viandes transformées et le foie étant également associées à une augmentation du risque de cancer du colon. En revanche, les poissons et le poulet sans peau n’étaient pas associés à une augmentation du risque de cancer du colon.

La raison principale avancée pour expliquer cette augmentation du risque de cancer en consommant de la viande rouge est la création d’agents chimiques cancérogènes tels que les nitrosamines lors de la cuisson ou le traitement de la viande (2). Paradoxalement, le poulet et le poisson contiennent autant si ce n’est plus de ces molécules cancérogènes créées lors de la cuisson, mais pour autant, leur consommation ne semble pas augmenter le risque de ces cancers.
 
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Relation entre cancer colorectal et consommation de viande 

Partout où la viande de bœuf est consommée en grande quantité dans le monde, le cancer colorectal se développe. Des pays tels que le Japon ou la Corée, qui rapportent une consommation de porc élevée, ont un taux de cancer colorectal intermédiaire alors que les populations consommant très peu de viande bovine ont peu de cancers colorectaux (3). En même temps que les importations de bœuf ont augmenté au Japon et en Corée, le risque de cancer colorectal a lui aussi augmenté. Le fait que seule la viande rouge soit associée à un risque élevé de cancer colorectal serait dû à la présence dans la viande de bœuf de virus propres à ces animaux, résistants à la chaleur. En présence des agents cancérogènes produits par la cuisson, ces virus bovins attaqueraient la paroi intestinale humaine, créant ainsi des infections latentes dans nos intestins, prêtes à se cancériser en cas d’exposition prolongée et répétée aux agents cancérogènes.
 
 
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Développement du taux de cancer colo-rectal
 
Le fer héminique contenu dans la viande rouge (le terme “viande rouge” correspondant dans les études au bœuf mais aussi au veau, agneau, porc, canard, oie, lapin, cheval et abats) est également impliqué dans les mécanismes de création du cancer (10). L’oxydation du fer de la viande dans le corps conduit à l’apparition de blessures au niveau des cellules (ADN, lipides, protéines intracellulaires) qui à la longue semble favoriser l’émergence de cancers (11). A l’inverse, les plantes sont très riches en anti-oxydants et vont s’opposer à l’oxydation des cellules, protégeant ainsi notre corps de l’oxydation et des blessures cellulaires.

  • Les maladies inflammatoires intestinales
 
La maladie de Crohn et la recto-colite hémorragique, tout comme le cancer colorectal, se développent sur plusieurs facteurs de risque dont l’alimentation. La maladie de Crohn et la recto-colite hémorragiqueprovoquent des inflammations du revêtement interne de l’intestin (muqueuse) qui érodent les vaisseaux jusqu’à les “percer” et entrainer des saignements digestifs à répétition, associés à des diarrhées et douleurs abdominales pénibles. La viande rouge fait une fois de plus, partie des aliments qui augmentent le risque de développer une maladie intestinale inflammatoire (4). Une étude cas-témoins portant sur les habitudes alimentaires avant l’apparition de ces maladies menée chez 243 patients retrouvait une association positive entre la consommation de viande rouge, de viande transformée et le développement de la maladie de Crohn.

A plus grande échelle, une étude de cohorte française réalisée sur 67 581 femmes entre 40 et 65 ans pendant 10,4 ans a montré une association positive entre le développement d’une maladie intestinale inflammatoire et une consommation élevée de protéines animales, notamment la viande et le poisson (HR=3.31 avec IC à 95% 1.41–7.77 – p=0.007). Pour ces maladies inflammatoires, les explications se rapprochent de celles concernant le développement du cancer colorectal. La viande n’est pas totalement absorbée au début des intestins (intestin grêle) et va se retrouver dans le colon où elle sera dégradée par les flore digestive du colon en plusieurs dérivés dont certains seraient toxiques pour la muqueuse colique. Ces composés toxiques pour le colon créeraient ainsi des blessures au niveau de ces cellules, entrainant une réaction inflammatoire et immunitaire menant aux symptômes de la maladie (5).
 
 
  • Diverticulose colique
 
Une autre pathologie liée à l’alimentation “occidentale” riche en viandes (9). Cette maladie des intestins se manifeste par des petites poches qui se forment sur la muqueuse colique et dans lesquelles les matières fécalesvont stagner. La stagnation de ces petites quantités de selles peut créer des infections locales, une réaction inflammatoire, voire une perforation dans l’abdomen (péritonite) ou des saignements digestifs (rectorragies) du fait de l’érosion des vaisseaux sanguins. Une étude de cohorte menée chez des végétariens (vegans inclus) et non-végétariens retrouvait un risque moindre (31% de moins soit RR=0,69 avec IC à 95% 0.55-0.86 – p=0,003) chez les végétariens (6).

Une autre étude s’intéressant à la prévention de la diverticulose colique retrouvait un risque de diverticuloseaugmenté pour la viande rouge (RR 3.23, IC à 95% 1.47-7.08, p=0.01) le porc et l’agneau (7).
 
  • Constipation
 
La consommation de viande rouge est également associée à la constipation ; un problème qui touche de plus en plus de personnes. Ne serait-ce qu’aux urgences où j’ai travaillé durant quelques mois, au moins 2 à 3 personnes venaient consulter pour constipation par jour, et un nombre encore plus élevé de personnes ne venant pas consulter pour constipation l’étaient. Diverses études ont montré que les végétariens étaient moins sujets à la constipation, mais cette constatation semble moins due à l’absence de consommation de viande qu’à l’augmentation des apports en fibres (8,9). Je n’ai pas trouvé d’étude dont le sujet était précisément l’association de la constipation à la consommation de viande rouge, mais dans les aliments qui permettent d’éviter la constipation, la viande n’est jamais mentionnée en raison de sa composition. Gardons également à l’esprit que pour augmenter sa consommation d’aliments riches en fibres, il faut bien diminuer sa consommation d’aliments qui ne le sont pas : les viandes rouges en l’occurrence.
 
  • Autres maladies digestives et perspectives
 
Les maladies intestinales que nous avons exploré dans cet article ne sont pas les seules dont la survenue est augmentée par la consommation de viande. D’autres maladies telles que le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les cancers de l’estomac, de la vessie, la maladie d’Alzheimer sont favorisée par la viande (11).

Soulignons que la viande n’est à ma connaissance pas recommandée pour améliorer l’état de santé d’une personne. Pour nombre de médecins et combien de personnes la viande est associée à la garantie d’avoir des muscles et un bon poids ; mais cette réputation est mise en défaut par l’existence des protéines végétales qui sont tout aussi nourrissantes.
 
D’un point de vue santé et prévention, il me paraît plus sage de choisir de consommer des protéines végétales qui ne favorisent aucune maladie plutôt que de la viande qui augmente les risques de développer de graves problèmes de santé.
 
Cet article a également été publié dans le magazine Alternatives VégétariennesCliquez ici pour le lire en pdf.
 
Source: Carevox



SOURCES
  • 1. Willett, W C, M J Stampfer, G A Colditz, B A Rosner, et F E Speizer. 1990. « Relation of meat, fat, and fiber intake to the risk of colon cancer in a prospective study among women ». The New England Journal of Medicine 323 (24) (décembre 13): 1664–1672. doi:10.1056/NEJM199012133232404.
2. Hebels, Dennie G A J, Kirstine M Sveje, Marloes C de Kok, Marcel H M van Herwijnen, Gunter G C Kuhnle, Leopold G J B Engels, Carla B E M Vleugels-Simon, et al. 2012. « Red meat intake-induced increases in fecal water genotoxicity correlate with pro-carcinogenic gene expression changes in the human colon ». Food and Chemical Toxicology: An International Journal Published for the British Industrial Biological Research Association 50 (2) (février): 95–103. doi:10.1016/j.fct.2011.10.038.

3. Zur Hausen, Harald. 2012. « Red meat consumption and cancer: Reasons to suspect involvement of bovine infectious factors in colorectal cancer ». International Journal of Cancer. Journal International Du Cancer 130 (11) (juin 1): 2475–2483. doi:10.1002/ijc.27413.

4. Maconi, Giovanni, Sandro Ardizzone, Claudia Cucino, Cristina Bezzio, Antonio-Giampiero Russo, et Gabriele Bianchi Porro. 2010. « Pre-illness changes in dietary habits and diet as a risk factor for inflammatory bowel disease: a case-control study ».World Journal of Gastroenterology: WJG 16 (34) (septembre 14): 4297–4304.

5. Jantchou, Pr|[eacute]|vost, Sophie Morois, Fran|[ccedil]|oise Clavel-Chapelon, Marie-Christine Boutron-Ruault, et Franck Carbonnel. 2010. « Animal Protein Intake and Risk of Inflammatory Bowel Disease: The E3N Prospective Study ». The American Journal of Gastroenterology 105 (10) (mai 11): 2195–2201. doi:10.1038/ajg.2010.192.

6. Crowe, Francesca L, Paul N Appleby, Naomi E Allen, et Timothy J Key. 2011. « Diet and risk of diverticular disease in Oxford cohort of European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition (EPIC): prospective study of British vegetarians and non-vegetarians ». BMJ (Clinical Research Ed.) 343: d4131.

7. Aldoori, Walid, et Milly Ryan-Harshman. 2002. « Preventing diverticular disease. Review of recent evidence on high-fibre diets. » Canadian Family Physician 48 (octobre): 1632.

8. Nair, P, et J F Mayberry. 1994. « Vegetarianism, dietary fibre and gastro-intestinal disease ». Digestive Diseases (Basel, Switzerland) 12 (3) (juin): 177–185.

9. Dwyer, J T. 1988. « Health aspects of vegetarian diets ». The American Journal of Clinical Nutrition 48 (3 Suppl) (septembre): 712–738.

10. Tappel, Al. 2007. « Heme of consumed red meat can act as a catalyst of oxidative damage and could initiate colon, breast and prostate cancers, heart disease and other diseases ». Medical Hypotheses 68 (3): 562–564. doi:10.1016/j.mehy.2006.08.025.

11. Cross, A. J., L. M. Ferrucci, A. Risch, B. I. Graubard, M. H. Ward, Y. Park, A. R. Hollenbeck, A. Schatzkin, et R. Sinha. 2010. « A Large Prospective Study of Meat Consumption and Colorectal Cancer Risk: An Investigation of Potential Mechanisms Underlying this Association ». Cancer Research 70 (6) (mars 9): 2406–2414. doi:10.1158/0008-5472.CAN-09-3929.

Lu sur Wikistrike

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