Pendant que les forces de la contestation sociale pansent leurs plaies dans leurs quartiers d'été, celles de l'argent ne relâchent pas leurs efforts pour nous enfoncer chaque jour un peu plus dans la merde.
Deux petites informations de rien qui se télescopent dans l'indifférence paresseuse des fausses vacances : d'un côté, une ville espagnole qui va équiper de cadenas les poubelles des supermarchés, de l'autre une ville de Belgique qui entend forcer les mêmes supermarchés à aider les démunis.
Deux villes de notre temps, deux visions de l'action politique diamétralement opposées : l'une qui se couche et accompagne toutes les régressions, l'autre qui se dresse et utilise son pouvoir pour changer les choses, même petitement, même à sa seule échelle locale, l'échelle de l'action politique de la soumission ou du refus.
La mairie indique avoir pris cette décision en collaboration avec les propriétaires de supermarchés, «face au risque pour la santé que peut comporter la consommation d'aliments jetés dans les conteneurs et l'alarme sociale que cela provoque».
Le plus coûteux pour les collabos du système, c'est encore de parvenir à inventer des explications vaguement convaincantes de leurs petites lâchetés ordinaires. Cadenasser les poubelles, c'est tout sauf une préoccupation de santé publique. Il s'agit de la plus honteuse des soumissions à la logique purement marchande qui préfère laisser crever d'inanition plutôt que d'admettre que 50 % de la nourriture produite à grands frais de pesticides et de maltraitances agricoles ne parvient jamais jusqu'à une bouche humaine.

Il devient alors absolument impossible de concevoir la réalité et la profondeur de la misère actuelle en ce qu'elle est totalement voulue et assumée par ceux qui la créent et qu'elle est d'autant plus ignoble qu'elle se propage dans des sociétés où le nécessaire comme le superflu est surabondant et majoritairement gaspillé.
Les miséreux ont toujours eu le droit de glaner ce qu'ils ne pouvaient acquérir dans le système marchand. Ils ont toujours eu la possibilité d'occuper les interstices du système, de squatter les biens communs, de satisfaire leurs besoins fondamentaux, même si cela a toujours été de manière précaire et largement insatisfaisante : braconnage dans les campagnes, abris de fortune dans les lieux invisibles, glanage des restes dans les champs, les poubelles, les miettes de la bonne société des inclus.
Aujourd'hui, il n'y a pratiquement plus d'espace public commun, de terres à squatter, de surplus à glaner. Même la flotte appartient toujours à quelqu'un et fait dorénavant toujours l'objet d'un péage et d'un droit d'accès. Même chier ou dormir n'est plus gratuit : les campagnes sont hérissées de clôtures privatives, les villes s'habillent de mobilier hostile à celui qui cherche juste un peu de repos et même l'accès aux déchets encore consommables de notre société du mépris est devenu pratiquement impossible.
Voilà donc un système où se renchérit chaque jour l'accès aux ressources vitales (eau, nourriture, énergie, abris... etc.), où le travail des gens est toujours plus dévalué, où il y a toujours moins besoin de bras pour faire tourner la machine et il n'est plus possible de survivre en dehors de la matrice.
(...)
D'où l'intérêt de se rappeler que l'échelle de l'action politique prioritaire et efficace reste le local et que de petites initiatives peuvent, en frappant les esprits et en éclairant les consciences, déclencher les grands mouvements sociaux dont nous avons terriblement besoin pour stopper la machine qui s'active à nous broyer.
Un article de Agnès Maillard, publié par monolecte.fr via comment va la belle bleue
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RépondreSupprimerDésolé...Est-ce que je dois mettre le logo CC ?
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